Histoire des églises et chapelles de Lyon/Saint-Bernard

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H. Lardanchet (tome Ip. 300-305).

SAINT-BERNARD

Au début de l’année 1852, quelques habitants de la place Colbert, paroissiens de Saint-Polycarpe, frappé des inconvénients que présentait l’éloignement de l’église paroissiale pour les fidèles qui habitaient sur la pente orientale de la Croix-Rousse, s’adressèrent à l’administration diocésaine, et sollicitèrent l’érection d’une nouvelle paroisse près de la place Colbert. Le cardinal de Bonald se rendit à leur désir, et chargea M. l’abbé Jean-François Dutel, premier vicaire de Saint-Polycarpe, de cette fondation. Le 17 mars 1852, une pétition fut adressée au maire de Lyon en vue d’obtenir son concours pour la construction d’une chapelle provisoire. L’adresse était revêtue des signatures de l’abbé Dutel et de cinq membres du comité : MM. Frédéric Willermoz, Teste, Mathieu, Lacroix et Boisset. M. Willermoz offrait, pour cette construction, un terrain situé à l’angle sud-est des rues de Sève et Vaucanson. La chapelle devait mesurer 39 mètres sur 6.

La réponse ne se fit pas attendre : dès le surlendemain, 19 mars, la préfecture autorisait l’édifice projeté, en mentionnant toutefois que la construction, faite de bois et de briques, devrait être, suivant les règlements de voirie, éloignée de 30 mètres de toute habitation. Le 21 mars, M. Willermoz faisait remise du terrain, situé à l’extrémité d’un vaste emplacement cédé gracieusement par lui aux Petites-Sœurs des Pauvres.

Saint-Bernard, état actuel.

De suite, on commença les travaux, confiés à M. Boisset, entrepreneur. Le 18 juin 1852, l’édifice ne paraissant pas assez solide, on dut procéder à des améliorations. Les dépenses totales s’élevèrent à près de 40.000 fr., compris un supplément de construction auquel avait présidé M. Laresse, entrepreneur. La chapelle achevée, M. Dutel obtint de M. Barou, vicaire général, l’autorisation de la bénir. La cérémonie eut lieu le 22 août 1852. Elle débuta par l’installation de M. Dutel, présidée par M. Chaumont, curé de Saint-Polycarpe, au nom du cardinal de Bonald. M. l’abbé Rigothier était en même temps choisi comme vicaire. M. Dutel procéda ensuite à la bénédiction de l’édifice ainsi que d’une cloche fondue chez Burdin ; le parrain en fut M. Frédéric-Jacques Willermoz, et la marraine Mme  Madeleine Willermoz, née Perret. Le nouveau curé organisa ensuite le spirituel de la paroisse et l’enrichit de plusieurs confréries. Le 3 septembre 1852, il érigea le Chemin de Croix ; établit, le 3 octobre, la confrérie du saint-Rosaire, et, le 5 décembre 1852, celle du Saint-Sacrement. Entre temps, on avait nommé une commission de six membres chargée de la construction de l’église définitive : MM. Boisset, Tournessus, Gibaud, Gurcet, Jaillet et Giraud. Ils choisirent comme architecte M. Desjardins père, architecte du diocèse et de la ville de Lyon, lequel fit un devis s’élevant à la somme de 165.000 francs. M. Baron, vicaire général, transmit, le 14 juillet 1853, un décret, daté du 4 juin, par lequel saint-Bernard était érigé en succursale et qui permettait la nomination des fabriciens. Ceux-ci furent : MM. Teste, Bernard, Guénard, Tournessus, Gurcet, Duport, Matthieu, Giraud et Cousançat. Un terrain d’une étendue de 2.580 mètres avait été légué à la ville de Lyon, le 25 septembre 1850, par M. Frédéric Willermoz pour la construction de l’église, à condition qu’elle fût sous le vocable de Saint-Bernard, en souvenir du monastère des Bernardines, à qui ce tènement avait appartenu avant la Révolution ; M. Willermoz, estimait son terrain 100.000 fr., se contentait d’une somme de 25.000 comme dédommagement, et exigeait cinq messes par an pour sa famille.

Le 12 juin 1856, le legs fut reconnu par autorité impériale, et, le 4 février 1858, on prit possession du terrain. Les travaux toutefois ne furent commencés que le 12 janvier de l’année suivante, sous la direction de M. Desjardins, architecte, par MM. Bénassy et Renvoisé, entrepreneurs. Lorsque les fondations sortirent de terre, la première pierre fut bénite, le 28 mai 1860, par le cardinal de Bonald. À cette cérémonie assistèrent : MM. Dutel, curé de Saint-Bernard ; Chaumont, curé de Saint-Polycarpe ; Ferdinand Willermoz, frère de Frédéric, donataire du terrain ; Goiran, notaire du 1er arrondissement ; Desjardins, architecte ; Jean-Pierre Vacher et Jean-Angélique Fontbonne, vicaires.

Façade de Saint-Bernard (d’après le projet non encore exécuté).

On construisit d’abord les fondations, l’abside et deux travées de la grande nef de 1859 à 1862, puis on s’arrêta, faute de ressources. En juillet 1862, le conseil de fabrique voulant poursuivre l’édifice, demanda un devis à l’architecte : celui-ci, après étude, estima à 428.000 francs la dépense totale du monument, sauf la façade. On se remit à l’œuvre et les sculptures intérieures furent confiées à Aubert, sculpteur à Lyon.

L’édifice fut presque achevé en quatre ans, de sorte que, le 18 août 1866, M. Dutel bénissait l’église à 10 heures du soir et sans cérémonie, parce que l’église devait être consacrée le lendemain. Le 19, eut lieu la prise de possession, présidée par M. Pagnon, vicaire général. Le 20, la paroisse montait à Fourvière en pèlerinage de reconnaissance. Le 4 octobre, on procédait à l’érection d’un Chemin de Croix provisoire, et en avril 1867 au définitif. Les dépenses de la construction avaient dépassé toutes les prévisions : les fondations avaient coûté 30.000 francs, le chœur 167.000, les deux premières travées 50.000, les quatre autres 130.000, divers travaux imprévus, engagés sans autorisation, 144.000 francs, soit un total de 521.000 francs.

À M. Dutel succéda Jean-Joseph Claraz qui, de curé de Sainte-Anne du Sacré-Cœur, fut appelé à gouverner Saint-Bernard, le 15 novembre 1868. Son installation eut lieu le 29, par M. Chaumont, curé de Saint-Polycarpe, en présence de MM. Parel, curé de Saint-Augustin ; Napolier, curé de Saint-Eucher ; Durand, curé du Bon-Pasteur ; Fond, curé de Saint-Bruno ; Fontbonne, Berjon et Moral, vicaires de Saint-Bernard. Le nouveau pasteur, pour contribuer à l’embellissement de l’église, fit exécuter, en 1870, les barrières du chœur, en fer forgé, par Traverse de Lyon. En 1874, l’architecte Desjardins, consulté sur l’achèvement de la façade de l’église, estima la dépense à 250.000 francs, mais, faute de ressources, on ne put donner suite à ce projet. Il a déjà été question des vicaires de la paroisse ; ils étaient, en effet, au nombre de trois, mais un seul était reconnu et payé par l’administration, les deux autres restant à la charge de la fabrique. Le 5 novembre 1874, M. Claraz obtenait la reconnaissance d’un second vicaire. Il demanda à la maison Merklin de placer des orgues derrière le maître-autel ; elles se composaient de seize jeux et coûtèrent 16.000 francs. L’inauguration en fut faite le 3 mars 1878, et Mgr Mermillod prononça, à cette occasion, un de ses discours appréciés.

François-Régis Chaumienne, curé de Saint-Jean-Bonnefonds, fut appelé à succéder à M. Claraz ; son installation eut lieu le 25 janvier 1880 et fut présidée par Mgr Pagnon, vicaire général, assisté de MM. Chabanne, curé de Saint-Polycarpe ; Gorand, curé de Saint-Pierre, et Durand, curé du Bon-Pasteur. Son successeur, M. Joannès Pallière, vicaire d’Ainay, fut installé curé de Saint-Bernard le 10 octobre 1886, par M. Breul, curé de Notre-Dame-des-Victoires à Roanne, délégué par Mgr l’archevêque. Ce n’est pas blesser la modestie de M. Pallière, aujourd’hui chanoine titulaire, c’est faire œuvre d’historien, que de rappeler combien l’église et la paroisse Saint-Bernard sont redevables à ce prêtre généreux et dévoué. En 1891, il fit placer des dossiers aux stalles et des boiseries dans le chœur, œuvre de Fréby, menuisier-sculpteur, d’après les dessins de M. Desjardins, fils de l’architecte ; l’année suivante, il fit exécuter par M. Bégule des vitraux dignes de la réputation conquise par l’éminent peintre verrier. Il procéda ensuite à la transformation des orgues demeurées inachevées ; il les porta de seize à dix-neuf jeux, et transporta de chaque côté du chœur les tuyaux d’orgue qui, placés derrière le maître-autel, détruisaient la perspective des belles lignes de l’église. Cette opération coûta 12.000 francs. Soucieux du spirituel de la paroisse, comme du matériel de l’église, il assura à ses paroissiens, en 1894, le bienfait d’une mission.

En 1888, on construisit le funiculaire, qui de la Croix-Pâquet se rend à la Croix-Rousse. Le percement du tunnel qui passe à l’angle sud de l’église occasionna des affaissements de terrain considérables, en sorte que l’église donna coup. Après de longs pourparlers, la ville prit à sa charge les réparations qui montèrent à la somme de 89.000 fr. ; elles furent commencées en juillet 1899, sous la direction de MM. Hirsch, architecte en chef de la ville, et Monod, entrepreneur. Quatre ans après, le 29 juin 1903, M. Pallière recevait la récompense de son zèle et était nommé chanoine titulaire ; on lui donnait pour successeur M. Chabrier, curé de Saint-Alban.

Après avoir retracé l’histoire de la paroisse et de son église, nous terminerons cette étude par une rapide description du monument. L’église Saint-Bernard est de toute part dégagée ; de plus, par sa situation au milieu du coteau de la Croix-Rousse, sur le flanc oriental, elle domine une partie de la ville, et des Brotteaux on voit très bien se dessiner son profil aux belles lignes gothiques. Saint-Bernard appartient au style ogival du xiiie siècle ; il se compose de trois nefs avec chapelles latérales au nombre de douze, d’un transept, du chœur avec une abside à sept côtés éclairée par de hautes fenêtres, et de deux sacristies, l’une à l’est, l’autre à l’ouest. De chaque côté du chœur, en avant des sacristies, est disposé un sanctuaire, ouvert sur le transept.

Intérieur de l’église Saint-Bernard.

Le plan de la façade non encore exécutée comporte, en face de l’entrée principale, un vaste perron à double rampe, partant de la place Colbert, et dont le développement permettra d’établir des terrains en pente recouverts de gazon. En haut du perron est une esplanade régnant dans toute la largeur de la façade, destinée à faciliter l’arrivée et le mouvement des voitures devant le porche. Le clocher s’élèvera au-dessus de l’entrée principale, à une hauteur de 57 mètres à partir du sol de l’esplanade. Au moyen de dix marches établies dans la largeur du porche, on parviendra au niveau du sol intérieur de l’église sur un large palier, où prend accès la grande porte décorée de colonnettes, recevant des arcs doubleaux dont le tympan sera rempli par un bas-relief symbolique. À droite et à gauche se trouvent les portes des basses nefs.

Les dimensions principales de l’ensemble du monument sont : largeur mesurée au transept, 30 mètres ; longueur totale, compris le clocher, 68 mètres ; hauteur de la grande nef du sol aux clefs de voûtes, 18 mètres 50 ; hauteur des bas-côtés, 9 mètres 50.

Le maître-autel de pierre est orné d’un bas-relief représentant le bon Pasteur. Aux angles sont sculptés les saints apôtres Pierre et Paul. L’abside est éclairée par des vitraux représentant la Cène, le Crucifiement et le Baptême de Notre-Seigneur. Le pourtour de l’abside est revêtu de boiseries, et le chœur meublé de stalles en bois sculpté. À l’entrée du chœur, se trouvent, adossées aux piliers, les statues du patron principal et du patron secondaire de l’église : à droite saint Bernard prêchant, à gauche saint Sébastien tenant en main les flèches de son martyre et la palme de sa victoire.

À droite du chœur s’ouvre la chapelle de la Sainte-Vierge. L’autel de pierre est surmonté de la statue de la Mère de Dieu et éclairé d’un vitrail représentant l’apparition de Notre-Dame à saint Bernard. En descendant la basse-nef on trouve une suite de chapelles dont voici l’énumération : 1o Chapelle Sainte-Madeleine. Au-dessus de l’autel de pierre se trouve la statue de la sainte tenant une urne de parfums ; sur le vitrail on a représenté saint Frédéric et saint Ferdinand, en souvenir de la famille Willermoz ; enfin, contre le mur, on vénère une statuette de saint Antoine de Padoue. 2o Chapelle Notre-Dame de Pitié, ornée d’une Pietà, éclairée d’un vitrail sur lequel deux anges de la Passion tiennent la couronne d’épines et le voile de Véronique. 3o Chapelle Sainte-Anne avec statuette de la sainte tenant par la main la Vierge enfant ; le vitrail représente saint Jean-Baptiste et saint Jean l’Évangéliste. 4o Chapelle Sainte-Philomène avec verrière où se trouvent sainte Cécile et sainte Catherine. 5o Chapelle Saint-François d’Assise : au-dessus d’un autel de bois, statue du patriarche d’Assise dans l’attitude de la prière.

À gauche du chœur s’ouvre la chapelle du Sacré-Cœur. Le vitrail qui l’éclairé représente Jésus bénissant les ouvriers, les malades, les enfants. À la suite, dans la petite nef : 1o Chapelle Saint-Joseph ; sur le vitrail on a peint les deux Joseph : le patriarche fils de Jacob et l’époux de la Vierge Marie. 2o Chapelle Saint-Pierre : l’autel est décoré d’un bas-relief avec clefs et tiare ; la verrière n’existe pas encore. 3o Chapelle des anges. Sur le devant de l’autel un bas-relief représente les trois archanges : Michel terrassant le démon, Gabriel tenant le rouleau de l’Annonciation, Raphaël avec le poisson qui guérit Tobie ; au-dessous on a placé une statue de l’ange gardien. 4o Chapelle Saint-François de Sales, 5o Chapelle Sainte-Thérèse, contenant les fonts baptismaux. 6o Chapelle du bienheureux curé d’Ars, avec autel en bois, inachevé.